Comment travailler durant la basse saison m'a redonné confiance en mes capacités.
Bien avant mes études en Techniques de tourisme, j'étais une personne de nature timide qui préférait se taire en classe plutôt que de participer ouvertement. Lorsque j'étudiais en langues, par exemple, j'avais l'habitude d'être très ouverte avec mes amis durant les cours, mais je fondais sur ma chaise dès que le prof me posait une question à laquelle je devais répondre devant le groupe. Les présentations orales m'angoissaient aussi et je ne parvenais jamais à dormir la veille. Avec le temps, j'ai développé des méthodes pour gérer mon anxiété en société. J'apprenais tranquillement à prendre confiance en moi et à reconnaître que rien de mal ne m'arrivait lorsque je commettais des erreurs. Bien que j'avais appris à maîtriser ma peur du jugement des autres en classe et dans mon milieu scolaire, j'avais encore beaucoup de mal à être à l'aise au travail. Si je repasse en mémoire tous les emplois que j'ai occupés, il y en a très peu que je puisse considérer comme ayant été amusants. Je ne me sentais jamais à l'aise au travail, j'angoissais énormément avant d'arriver à mon quart et souvent, cette anxiété avait pour effet de me faire indéniablement échouer. J'avais toujours peur d'être en retard, alors j'arrivais bien souvent une heure à trente minutes à l'avance. Je me fixais des standards très élevés de rendement, si bien que cette pression me rendait complètement hors de mon propre contrôle finalement. J'avais peur de n'être à la hauteur continuellement. J'avais cette voix dans ma tête qui me criait que je n'étais pas bonne, que je ne réussirais pas à apprendre assez vite pour être au même niveau que les autres, que j'avais un blocage qui m'empêchait d'interagir avec la clientèle, que ce ne serait jamais moi l'employée qu'on souhaite garder, bref, je pourrais continuer ainsi encore longtemps. Il s'en passait des choses dans ma tête! Je savais que je devais apprendre à ignorer cette petite voix négative, mais c'était parfois impossible.
Je crois que cette peur d'être confrontée au monde du travail et d'y échouer provient de ce malaise que j'éprouve lorsque je suis confrontée à l'autorité. J'ai cette conviction dans ma tête que je me dois de me rétrécir lorsque des gens en position d'autorité font partie de mon quotidien, que ce soit des employeurs ou des employés expérimentés. Je fais difficilement ma place. Ayant eu un père très strict, je crois qu'une peur profonde s'est développée avec les années pour cette raison et que j'ai simplement transféré la peur éprouvée en milieu familial vers le milieu professionnel.
Néanmoins, je suis consciente aujourd'hui de cette peur et j'essaie de repousser mes limites toujours un peu plus. J'apprends que j'ai le droit de faire ma place et aussi, de ne pas tout savoir. Je dois reconnaître que les gens en autorité autour de moi sont là pour m'inspirer et m'apprendre, et non pour me juger et me diminuer.
Lorsque j'ai emménagé au Yukon, j'ai eu la chance d'effectuer un stage dans un centre d'interprétation qui accueille des milliers de touristes chaque année. Suite à mon stage, j'ai d'ailleurs été engagée à titre de guide-interprète de patrimoine. J'étais surprise d'avoir été prise pour l'emploi et pour représenter l'endroit, car mon anglais n'était pas encore au point et aussi, que cette attraction axée sur la paléontologie et l'anthropologie détenait des guides certifiés ayant étudié de nombreuses années dans divers domaines scientifiques. Moi, je n'avais que ce bout de papier pour travailler avec les touristes. Je ne me sentais pas à la hauteur du tout, mais je me disais que je finirais bien par apprendre.
C'était parfois très difficile de m'adapter, premièrement à un tout nouveau mode de vie, et deuxièmement à un premier emploi dans mon domaine dont je ne détenais pas toutes les connaissances. Je passais parfois des soirées entières à regarder des vidéos sur YouTube pour tout savoir du sujet et je lisais sans arrêt des tonnes de livres. Je me mettais beaucoup de pression et je savais pertinemment que malgré mes efforts, je ne serais jamais aussi qualifiée que mes collègues avec plusieurs années d'expérience. Je m'imaginais aussi très souvent que ces mêmes collègues ne m'aimaient pas et trouvaient que je n'avais pas ma place au sein de l'équipe. J'étais également la plus jeune, et je croyais que mon accent francophone trahissait un certain manque d'expérience voire une certaine immaturité. Pourtant, je continuais d'avancer. J'ai songé très souvent à tout abandonner, à quitter l'emploi car je n'étais visiblement pas au même niveau que les autres, mais je persévérai. Je savais que j'étais venue au Yukon pour me surpasser et qu'il fallait que je le fasse devant chaque obstacle que je rencontrerais. Au bout d'un moment, j'ai cessé de me mettre de la pression comme je le faisais, et j'ai fermé tous les livres. J'apprendrais à mon rythme lent, je poserais ces questions stupides et je finirais par faire quelque chose d'impressionnant dont je serais fière. Après tout, les touristes m'adoraient, car j'étais l'experte en ce domaine-là. Il ne fallait pas que je voie tout noir.
J'avais commencé à travailler durant la période estivale très achalandée. J'avais également un autre emploi à temps plein, alors je remplaçais à ce centre d'interprétation lorsque les employés saisonniers étaient malades ou avaient des congés. Puis, la saison s'est terminée pour faire place à l'hiver : l'endroit resterait ouvert quelques jours par semaine et ce ne serait que les employés sur appel, comme moi, qui occuperaient les postes.
Je ne pourrais expliquer ce qui s'est passé exactement, mais le fait de devenir davantage responsable et en charge de la place au cours de l'hiver m'a donné confiance en moi. J'ai mieux appris et plus vite parce que j'étais moins stressée de l'achalandage touristique. J'avais beaucoup plus de tâches et beaucoup plus de responsabilités. Je devais créer des programmes presque chaque semaine sous divers thèmes, parler en public davantage, offrir de l'information directement aux visiteurs, m'occuper des événements en soirée, et bien plus encore. J'avais l'impression de faire ma place et d'être reconnue pour le travail que je rendais et que visiblement, je prenais au sérieux. J'ai eu cette vague impression d'avoir surpris mes supérieurs par la force de caractère que je ne démontrais pas auparavant durant l'été alors que j'étais dans l'ombre de d'autres. La saison morte m'a fait revivre, si on peut le dire ainsi.
Le programme que j'ai mis sur pied qui m'a rendue le plus fière était celui de créer des bas de Noël vers la fin du mois de décembre. Le thème de ce dimanche-là était le bricolage et il fallait indéniablement relier ce programme à du contenu paléontologique ou anthropologique. Comme c'était mon premier programme de la saison, et le premier depuis que j'étais employée, j'avais beaucoup de pression sur mes épaules. Je voulais que ça marche! Mon voeu s'est réalisé, avec près d'une centaine de participants à l'activité et que des commentaires positifs. C'était un véritable chaos de bonheur ce jour-là au centre d'interprétation. J'étais très heureuse d'avoir pu mettre sur pied une idée qui soit non seulement inusitée, mais qui a également suscité un vif intérêt dans la communauté. C'est vraiment à compter de cet événement que j'ai su prendre ma place et valoriser mes idées. Une petite porte s'est ouverte dans mon esprit qui laissait place à la possibilité que je n'étais peut-être pas aussi invalide que ça malgré mon manque d'expertise en science!
La période morte m'a donné beaucoup de temps pour apprendre sur les matières et pour développer des idées. J'ai appris à surmonter mes peurs, faire taire la petite voix négative dans ma tête, supprimer mon anxiété au travail et cesser de trop prendre la vie au sérieux. Plus je riais avec les visiteurs, plus je faisais preuve d'auto-dérision et plus j'avouais mon ignorance envers certaines questions qui m'étaient posées, plus je restais moi-même et intègre à mon cheminement et à ma personne. Il me reste beaucoup à apprendre, mais ce n'est pas grave. Je ne sais pas tout, et ce n'est pas grave. J'apprends plus lentement que les autres, et ce n'est pas grave. Je ne peux répondre à toutes les questions qu'on me pose, et ce n'est pas grave. Certains programmes que j'ai créés n'ont pas été populaires, et ce n'est pas grave. Il fallait que je me répète continuellement que ce n'était pas grave pour réaliser profondément qu'en réalité, rien n'est grave dans la vie. Nous sommes tous différents, et les erreurs nous aident plus qu'elles ne nous causent de tort. Plus les choses sont présentées à la légère dans la vie, et plus il y a de place pour le plaisir. Je fais sourire les touristes, et ça me comble de bonheur davantage que d'être celle qui délivre le sérieux de la science. Il y en a d'autres qui peuvent faire ça mieux que moi, et ce n'est pas grave.
Je crois que cette peur d'être confrontée au monde du travail et d'y échouer provient de ce malaise que j'éprouve lorsque je suis confrontée à l'autorité. J'ai cette conviction dans ma tête que je me dois de me rétrécir lorsque des gens en position d'autorité font partie de mon quotidien, que ce soit des employeurs ou des employés expérimentés. Je fais difficilement ma place. Ayant eu un père très strict, je crois qu'une peur profonde s'est développée avec les années pour cette raison et que j'ai simplement transféré la peur éprouvée en milieu familial vers le milieu professionnel.
Néanmoins, je suis consciente aujourd'hui de cette peur et j'essaie de repousser mes limites toujours un peu plus. J'apprends que j'ai le droit de faire ma place et aussi, de ne pas tout savoir. Je dois reconnaître que les gens en autorité autour de moi sont là pour m'inspirer et m'apprendre, et non pour me juger et me diminuer.
Lorsque j'ai emménagé au Yukon, j'ai eu la chance d'effectuer un stage dans un centre d'interprétation qui accueille des milliers de touristes chaque année. Suite à mon stage, j'ai d'ailleurs été engagée à titre de guide-interprète de patrimoine. J'étais surprise d'avoir été prise pour l'emploi et pour représenter l'endroit, car mon anglais n'était pas encore au point et aussi, que cette attraction axée sur la paléontologie et l'anthropologie détenait des guides certifiés ayant étudié de nombreuses années dans divers domaines scientifiques. Moi, je n'avais que ce bout de papier pour travailler avec les touristes. Je ne me sentais pas à la hauteur du tout, mais je me disais que je finirais bien par apprendre.
C'était parfois très difficile de m'adapter, premièrement à un tout nouveau mode de vie, et deuxièmement à un premier emploi dans mon domaine dont je ne détenais pas toutes les connaissances. Je passais parfois des soirées entières à regarder des vidéos sur YouTube pour tout savoir du sujet et je lisais sans arrêt des tonnes de livres. Je me mettais beaucoup de pression et je savais pertinemment que malgré mes efforts, je ne serais jamais aussi qualifiée que mes collègues avec plusieurs années d'expérience. Je m'imaginais aussi très souvent que ces mêmes collègues ne m'aimaient pas et trouvaient que je n'avais pas ma place au sein de l'équipe. J'étais également la plus jeune, et je croyais que mon accent francophone trahissait un certain manque d'expérience voire une certaine immaturité. Pourtant, je continuais d'avancer. J'ai songé très souvent à tout abandonner, à quitter l'emploi car je n'étais visiblement pas au même niveau que les autres, mais je persévérai. Je savais que j'étais venue au Yukon pour me surpasser et qu'il fallait que je le fasse devant chaque obstacle que je rencontrerais. Au bout d'un moment, j'ai cessé de me mettre de la pression comme je le faisais, et j'ai fermé tous les livres. J'apprendrais à mon rythme lent, je poserais ces questions stupides et je finirais par faire quelque chose d'impressionnant dont je serais fière. Après tout, les touristes m'adoraient, car j'étais l'experte en ce domaine-là. Il ne fallait pas que je voie tout noir.
J'avais commencé à travailler durant la période estivale très achalandée. J'avais également un autre emploi à temps plein, alors je remplaçais à ce centre d'interprétation lorsque les employés saisonniers étaient malades ou avaient des congés. Puis, la saison s'est terminée pour faire place à l'hiver : l'endroit resterait ouvert quelques jours par semaine et ce ne serait que les employés sur appel, comme moi, qui occuperaient les postes.
Je ne pourrais expliquer ce qui s'est passé exactement, mais le fait de devenir davantage responsable et en charge de la place au cours de l'hiver m'a donné confiance en moi. J'ai mieux appris et plus vite parce que j'étais moins stressée de l'achalandage touristique. J'avais beaucoup plus de tâches et beaucoup plus de responsabilités. Je devais créer des programmes presque chaque semaine sous divers thèmes, parler en public davantage, offrir de l'information directement aux visiteurs, m'occuper des événements en soirée, et bien plus encore. J'avais l'impression de faire ma place et d'être reconnue pour le travail que je rendais et que visiblement, je prenais au sérieux. J'ai eu cette vague impression d'avoir surpris mes supérieurs par la force de caractère que je ne démontrais pas auparavant durant l'été alors que j'étais dans l'ombre de d'autres. La saison morte m'a fait revivre, si on peut le dire ainsi.
Le programme que j'ai mis sur pied qui m'a rendue le plus fière était celui de créer des bas de Noël vers la fin du mois de décembre. Le thème de ce dimanche-là était le bricolage et il fallait indéniablement relier ce programme à du contenu paléontologique ou anthropologique. Comme c'était mon premier programme de la saison, et le premier depuis que j'étais employée, j'avais beaucoup de pression sur mes épaules. Je voulais que ça marche! Mon voeu s'est réalisé, avec près d'une centaine de participants à l'activité et que des commentaires positifs. C'était un véritable chaos de bonheur ce jour-là au centre d'interprétation. J'étais très heureuse d'avoir pu mettre sur pied une idée qui soit non seulement inusitée, mais qui a également suscité un vif intérêt dans la communauté. C'est vraiment à compter de cet événement que j'ai su prendre ma place et valoriser mes idées. Une petite porte s'est ouverte dans mon esprit qui laissait place à la possibilité que je n'étais peut-être pas aussi invalide que ça malgré mon manque d'expertise en science!
La période morte m'a donné beaucoup de temps pour apprendre sur les matières et pour développer des idées. J'ai appris à surmonter mes peurs, faire taire la petite voix négative dans ma tête, supprimer mon anxiété au travail et cesser de trop prendre la vie au sérieux. Plus je riais avec les visiteurs, plus je faisais preuve d'auto-dérision et plus j'avouais mon ignorance envers certaines questions qui m'étaient posées, plus je restais moi-même et intègre à mon cheminement et à ma personne. Il me reste beaucoup à apprendre, mais ce n'est pas grave. Je ne sais pas tout, et ce n'est pas grave. J'apprends plus lentement que les autres, et ce n'est pas grave. Je ne peux répondre à toutes les questions qu'on me pose, et ce n'est pas grave. Certains programmes que j'ai créés n'ont pas été populaires, et ce n'est pas grave. Il fallait que je me répète continuellement que ce n'était pas grave pour réaliser profondément qu'en réalité, rien n'est grave dans la vie. Nous sommes tous différents, et les erreurs nous aident plus qu'elles ne nous causent de tort. Plus les choses sont présentées à la légère dans la vie, et plus il y a de place pour le plaisir. Je fais sourire les touristes, et ça me comble de bonheur davantage que d'être celle qui délivre le sérieux de la science. Il y en a d'autres qui peuvent faire ça mieux que moi, et ce n'est pas grave.