Comment j'ai trouvé difficile de dire au revoir à l'été yukonnais... et à presque tous mes nouveaux amis.
Mon premier été yukonnais avait été haut en couleurs. J'avais eu à peine de temps pour moi, toujours en mouvement vers de nouvelles aventures. C'était difficile de refuser ces invitations à la découverte, car tout était à voir et à faire dans mon nouvel environnement. Je ne voulais pas manquer le feu de l'action, quitte à être continuellement fatiguée après des journées qui n'en finissaient plus.
Mon premier été au Yukon m'a fait passer par une gamme d'émotions, des plus négatives aux plus positives. Ce n'était pas parfait, mais cette imperfection m'a fait découvrir toutes les facettes de moi-même et de l'existence. Autrement dit, j'étais dans une ride de rollercoaster 24/7. Je peux constater aujourd'hui que je n'ai jamais autant vécu que cet été-là. J'ai vaincu plusieurs de mes plus grandes peurs, j'ai su lâcher prise par moments (chose que je n'avais jamais vraiment fait auparavant, même pas un peu), j'ai reconnu mes grands défauts et j'ai remis en question beaucoup d'aspects de ma vie.
Je garde un souvenir mémorable de mon été 2016 grâce à tout ce que j'ai vécu : le choc culturel en premier, l'immersion quotidienne en anglais, un premier emploi dans mon domaine suite à mon diplôme, les collègues de travail comme premières connaissances, l'apprentissage à haute vitesse qui saturait mon cerveau, deux amis en visite, trois roadtrips, un sentiment de sauver la faune marine à la Passe migratoire, les premiers amis anglophones, les randonnées, la pêche, les déplacements à vélo, les animaux sauvages, les événements publics rassembleurs, les bières -oui, surtout les bières-, les feux de camp près des lacs, le soleil de minuit, l'obtention de mon permis de conduire, la première voiture, l'accident avec la première voiture... Mémorable est bien le mot. Par contre, il y a bien sûr des moments que j'aurais aimé pouvoir oublier. Mais la vie est telle que toujours, nous nous rappellerons des moments plus difficiles et ce sont surtout ceux-là qui prendront beaucoup de place dans nos émotions. Ils sont là pour nous faire prendre conscience de quelque chose, toujours. Il ne faut jamais s'arrêter aux aspects négatifs en eux-mêmes pourtant : ils existent pour que nous puissions les vaincre, les outrepasser, et apprendre de leurs leçons.
Après un été si chargé, si amusant, si extrême, j'ai trouvé difficile d'accueillir le Yukon d'hiver. Lorsque les feuilles changent de couleur et que les jours commencent visiblement à raccourcir, quelque chose se transforme en nous. Premièrement, on constate que le temps semble plus long, et qu'il prend d'autant plus son temps à s'écouler. Tout est moins brillant, moins nouveau, moins amusant. Les touristes s'éclipsent et retournent vivre leur hiver à eux ailleurs dans leur contrée. La population baisse de moitié. Les gens s'éparpillent dans la ville, se rassemblent moins, vaquent à leurs occupations d'ermites. Tout est au ralenti. Mes nouveaux amis sont repartis étudier ailleurs au Canada. Des câlins, de beaux voeux, et c'était fini. Déjà. Je me retrouve seule, à observer tous ces avions qui décollent au-dessus de Whitehorse.
Mon emploi saisonnier à la Passe migratoire s'est terminé le 5 septembre, et bien que je conserve mon autre emploi, l'endroit ferme pour la saison et reste ouvert quelques jours par semaine. J'ai trop de temps libre. Comme je suis plus souvent seule et laissée à moi-même, je réfléchis davantage. Je suis nostalgique et analytique de mon expérience jusqu'ici. C'est presque une malédiction de faire le point et de brasser les souvenirs. Je m'ennuie. Je tourne en rond dans notre appartement 1½ devenu trop grand et trop serein. Je cherche activement un autre emploi pour occuper mes jours plus gris.
J'appelle mes proches plus souvent, tous les deux jours, je m'intéresse à leur quotidien et j'aimerais que le temps s'accélère jusqu'au jour où j'irai les revoir. Je mange, et plus je mange, plus je me console. Je sors moins, car c'est frisquet. Beaucoup d'endroits ferment pour la saison. Je prononce peut-être dix mots par jour, et ils sont pour moi-même. MEC travaille beaucoup, il est occupé, et quand il rentre à la maison, il est fatigué.
Je profite de la vie qui s'endort pour dormir moi aussi. Je fais de longues siestes qui ne me reposent pas, mais qui m'épuisent encore davantage. Je remets en question ma vie, sa direction : en a-t-elle vraiment une? Pourquoi suis-je au Yukon? Ai-je vraiment appris quelque chose jusqu'à présent? Est-ce que cet endroit est vraiment pour moi?
Je me sens coupable d'être partie, mes proches me manquent et je ne me connais pas. Je réalise, enfin, que je ne me connais vraiment pas. Qui suis-je? Je me rends bien vite compte que je ne sais rien de moi-même, après avoir passé toutes ces années d'études à me consacrer à la performance et au rendement scolaire. Je me rends compte que depuis des années, je n'ai pris la peine de me questionner, de prendre du temps pour me faire plaisir, de m'interroger, de me remettre en question. Je n'arrive pas à m'occuper, puisque je ne connais pas mes goûts d'activités et rien ne me fait envie. Je suis paralysée de ne connaître aucun loisir qui m'aille. Le Yukon aussi a pris beaucoup de place après mes études : sa planification, le feu de l'action du déménagement, la surprise de la découverte, l'émerveillement, la liste qui s'étirait des activités à faire pour combler les vides. Maintenant que je ralentissais, et que tout ralentissait, je me rattachais à ce que je connaissais le plus - mais pas tellement au fond - dans cette mer d'inconnus qui déferlait en marrée haute : moi. Apprendre à me redécouvrir, me poser des questions, chercher à comprendre mes objectifs et rediriger mes rêves fut difficile. Pendant plusieurs mois, je n'avais pas de réponses. Depuis longtemps, je m'étais mise de côté et enfin, j'avais tout le temps libre possible devant moi pour faire le point. Je ne savais pas par où commencer. Le travail à faire sur ma personne me submergeait. C'était comme de devoir tout recommencer à zéro ce sur quoi on avait travaillé toute notre vie durant. Mais il fallait bien commencer quelque part.
Le Yukon m'avait étroitement connectée à la nature et quand les oiseaux migrèrent vers le sud, que les animaux se préparèrent à hiberner, que les feuilles virèrent au jaune, que le soleil se levait de plus en plus tard, moi aussi je me préparais au changement. Je savais qu'une nouvelle étape nécessaire devait débuter maintenant que j'avais davantage de temps à me consacrer. Ce n'était pourtant pas le temps pour moi d'hiberner. Je laissai mon passé derrière et je me consacrai à redéfinir mes envies, mes rêves, mes passions. J'essayais tout et n'importe quoi, je regardais d'innombrables vidéos YouTube pour m'inspirer et je tentais de créer pour éveiller des instants d'épiphanie.
Cette période de ma vie fut un moment de vérité : je m'avouais mes torts, je reconnaissais que j'avais certains problèmes mis de côté depuis trop longtemps, je redéfinissais mes avenues de vie, je faisais des plans. J'ai fini par me sortir de cette période de développement et de transition. J'avais trouvé quelques réponses, m'étais offert la vérité telle quelle. C'était maintenant le temps de dire au revoir à l'étape d'émerveillement d'avoir emménagé au Yukon pour faire face au quotidien de simplement vivre.
Mon premier été au Yukon m'a fait passer par une gamme d'émotions, des plus négatives aux plus positives. Ce n'était pas parfait, mais cette imperfection m'a fait découvrir toutes les facettes de moi-même et de l'existence. Autrement dit, j'étais dans une ride de rollercoaster 24/7. Je peux constater aujourd'hui que je n'ai jamais autant vécu que cet été-là. J'ai vaincu plusieurs de mes plus grandes peurs, j'ai su lâcher prise par moments (chose que je n'avais jamais vraiment fait auparavant, même pas un peu), j'ai reconnu mes grands défauts et j'ai remis en question beaucoup d'aspects de ma vie.
Je garde un souvenir mémorable de mon été 2016 grâce à tout ce que j'ai vécu : le choc culturel en premier, l'immersion quotidienne en anglais, un premier emploi dans mon domaine suite à mon diplôme, les collègues de travail comme premières connaissances, l'apprentissage à haute vitesse qui saturait mon cerveau, deux amis en visite, trois roadtrips, un sentiment de sauver la faune marine à la Passe migratoire, les premiers amis anglophones, les randonnées, la pêche, les déplacements à vélo, les animaux sauvages, les événements publics rassembleurs, les bières -oui, surtout les bières-, les feux de camp près des lacs, le soleil de minuit, l'obtention de mon permis de conduire, la première voiture, l'accident avec la première voiture... Mémorable est bien le mot. Par contre, il y a bien sûr des moments que j'aurais aimé pouvoir oublier. Mais la vie est telle que toujours, nous nous rappellerons des moments plus difficiles et ce sont surtout ceux-là qui prendront beaucoup de place dans nos émotions. Ils sont là pour nous faire prendre conscience de quelque chose, toujours. Il ne faut jamais s'arrêter aux aspects négatifs en eux-mêmes pourtant : ils existent pour que nous puissions les vaincre, les outrepasser, et apprendre de leurs leçons.
Après un été si chargé, si amusant, si extrême, j'ai trouvé difficile d'accueillir le Yukon d'hiver. Lorsque les feuilles changent de couleur et que les jours commencent visiblement à raccourcir, quelque chose se transforme en nous. Premièrement, on constate que le temps semble plus long, et qu'il prend d'autant plus son temps à s'écouler. Tout est moins brillant, moins nouveau, moins amusant. Les touristes s'éclipsent et retournent vivre leur hiver à eux ailleurs dans leur contrée. La population baisse de moitié. Les gens s'éparpillent dans la ville, se rassemblent moins, vaquent à leurs occupations d'ermites. Tout est au ralenti. Mes nouveaux amis sont repartis étudier ailleurs au Canada. Des câlins, de beaux voeux, et c'était fini. Déjà. Je me retrouve seule, à observer tous ces avions qui décollent au-dessus de Whitehorse.
Mon emploi saisonnier à la Passe migratoire s'est terminé le 5 septembre, et bien que je conserve mon autre emploi, l'endroit ferme pour la saison et reste ouvert quelques jours par semaine. J'ai trop de temps libre. Comme je suis plus souvent seule et laissée à moi-même, je réfléchis davantage. Je suis nostalgique et analytique de mon expérience jusqu'ici. C'est presque une malédiction de faire le point et de brasser les souvenirs. Je m'ennuie. Je tourne en rond dans notre appartement 1½ devenu trop grand et trop serein. Je cherche activement un autre emploi pour occuper mes jours plus gris.
J'appelle mes proches plus souvent, tous les deux jours, je m'intéresse à leur quotidien et j'aimerais que le temps s'accélère jusqu'au jour où j'irai les revoir. Je mange, et plus je mange, plus je me console. Je sors moins, car c'est frisquet. Beaucoup d'endroits ferment pour la saison. Je prononce peut-être dix mots par jour, et ils sont pour moi-même. MEC travaille beaucoup, il est occupé, et quand il rentre à la maison, il est fatigué.
Je profite de la vie qui s'endort pour dormir moi aussi. Je fais de longues siestes qui ne me reposent pas, mais qui m'épuisent encore davantage. Je remets en question ma vie, sa direction : en a-t-elle vraiment une? Pourquoi suis-je au Yukon? Ai-je vraiment appris quelque chose jusqu'à présent? Est-ce que cet endroit est vraiment pour moi?
Je me sens coupable d'être partie, mes proches me manquent et je ne me connais pas. Je réalise, enfin, que je ne me connais vraiment pas. Qui suis-je? Je me rends bien vite compte que je ne sais rien de moi-même, après avoir passé toutes ces années d'études à me consacrer à la performance et au rendement scolaire. Je me rends compte que depuis des années, je n'ai pris la peine de me questionner, de prendre du temps pour me faire plaisir, de m'interroger, de me remettre en question. Je n'arrive pas à m'occuper, puisque je ne connais pas mes goûts d'activités et rien ne me fait envie. Je suis paralysée de ne connaître aucun loisir qui m'aille. Le Yukon aussi a pris beaucoup de place après mes études : sa planification, le feu de l'action du déménagement, la surprise de la découverte, l'émerveillement, la liste qui s'étirait des activités à faire pour combler les vides. Maintenant que je ralentissais, et que tout ralentissait, je me rattachais à ce que je connaissais le plus - mais pas tellement au fond - dans cette mer d'inconnus qui déferlait en marrée haute : moi. Apprendre à me redécouvrir, me poser des questions, chercher à comprendre mes objectifs et rediriger mes rêves fut difficile. Pendant plusieurs mois, je n'avais pas de réponses. Depuis longtemps, je m'étais mise de côté et enfin, j'avais tout le temps libre possible devant moi pour faire le point. Je ne savais pas par où commencer. Le travail à faire sur ma personne me submergeait. C'était comme de devoir tout recommencer à zéro ce sur quoi on avait travaillé toute notre vie durant. Mais il fallait bien commencer quelque part.
Le Yukon m'avait étroitement connectée à la nature et quand les oiseaux migrèrent vers le sud, que les animaux se préparèrent à hiberner, que les feuilles virèrent au jaune, que le soleil se levait de plus en plus tard, moi aussi je me préparais au changement. Je savais qu'une nouvelle étape nécessaire devait débuter maintenant que j'avais davantage de temps à me consacrer. Ce n'était pourtant pas le temps pour moi d'hiberner. Je laissai mon passé derrière et je me consacrai à redéfinir mes envies, mes rêves, mes passions. J'essayais tout et n'importe quoi, je regardais d'innombrables vidéos YouTube pour m'inspirer et je tentais de créer pour éveiller des instants d'épiphanie.
Cette période de ma vie fut un moment de vérité : je m'avouais mes torts, je reconnaissais que j'avais certains problèmes mis de côté depuis trop longtemps, je redéfinissais mes avenues de vie, je faisais des plans. J'ai fini par me sortir de cette période de développement et de transition. J'avais trouvé quelques réponses, m'étais offert la vérité telle quelle. C'était maintenant le temps de dire au revoir à l'étape d'émerveillement d'avoir emménagé au Yukon pour faire face au quotidien de simplement vivre.