Une semaine après avoir acheté ma première voiture au Yukon, j'ai eu un accident et j'ai survécu, mais pas la voiture.
Regardez-moi cette face de baveuse. J'étais donc bien fière. Un vieux Blazer '93 : il avait mon âge ! Cette voiture allait devenir légendaire, je le sentais ! C'était Kim qui me l'avait vendue pour pas cher (voir mon aventure Des parents en substitut pour connaître Kim, ma mère adoptive yukonnaise). MEC voulait tester ses talents de mécano sur le Blazer question de devenir excellent à réparer tout et n'importe quoi à quatre roues. Je me souviens encore ma première ride derrière le volant. J'étais terrorisée. J'avais conduit le tracteur de mon grand-père Pépé Georges quand j'avais sept ou huit ans, mais cette fois, c'était bien différent ! MEC me faisait conduire dans la route zigzagante et déserte du Lac Fish qui allait jusqu'à 30 minutes de la ville au milieu de nulle part. Je roulais 30 km/h et je trouvais ça rapide. Je me trompais entre les pédales du gaz et du break. Reculer était toute une affaire aussi, et c'était dur de coordonner mon volant pour tourner en reculant vers la bonne direction. J'avais du plaisir, mais je devais aussi de temps en temps me rappeler de respirer et de détendre ma poigne du volant. Ce Blazer et moi formions une équipe rock and roll.
MEC et moi avons passé d'innombrables heures dans le garage de Bob et Kim pour réparer tout ce qu'il y avait à réparer sur cette voiture... c'est-à-dire tout. En fait, cette vieille bécane ne serait pas assurable si les pièces de la liste qu'on nous avait remise à l'inspection n'étaient pas remplacées. Je dois dire que beaucoup de sacres se sont dits en tentant de réparer cette merveille et que beaucoup d'essais et d'erreurs se sont commis. C'était toute une aventure en soi. Mais lorsqu'elle fut remise à neuf et assurée, et que j'avais décroché mon permis d'apprentie, tout allait comme sur des roulettes !
MEC et moi avons passé d'innombrables heures dans le garage de Bob et Kim pour réparer tout ce qu'il y avait à réparer sur cette voiture... c'est-à-dire tout. En fait, cette vieille bécane ne serait pas assurable si les pièces de la liste qu'on nous avait remise à l'inspection n'étaient pas remplacées. Je dois dire que beaucoup de sacres se sont dits en tentant de réparer cette merveille et que beaucoup d'essais et d'erreurs se sont commis. C'était toute une aventure en soi. Mais lorsqu'elle fut remise à neuf et assurée, et que j'avais décroché mon permis d'apprentie, tout allait comme sur des roulettes !
La visite de Guigui cet été, le meilleur ami de MEC, était un événement important. Comme je ne pouvais conduire ma voiture toute seule, j'acceptai de la prêter à Guigui pour ses déplacements vers le travail et le Centre-ville. Un soir, MEC était venu me chercher après mon quart de travail à la Passe migratoire et nous sommes allés à la maison manger un morceau et nous changer. Guigui était déjà rendu au Lac Fish et profitait de sa nouvelle canne à pêche et d'un feu en bordure de l'eau. MEC et moi sommes allés le rejoindre avec une caisse de bières de Yukon Red. Lorsque nous sommes arrivés, le feu était déjà bien joli et Guigui conversait avec des gens qui s'étaient joints à lui. Nous passions tous une splendide soirée en bonne compagnie. Puis, quand le soleil se coucha vers minuit, nous en étions à notre départ. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas bien pourquoi j'ai pris la décision que j'ai prise à ce moment-là, mais je ne voulais pas repartir avec MEC dans son pick-up, je préférais m'asseoir avec Guigui dans le siège passager de mon bon vieux Blazer.
MEC nous suivait en arrière et nous roulions à bonne allure, comme on roulerait dans un rang désert, donc peut-être 70km/h. Guigui et moi écoutions un CD des Québec Redneck et nous conversions de tout et de rien. Je me souviens très bien avoir mentionné le fait que je portais toujours ma ceinture de sécurité et que je critiquais MEC très souvent de l'oublier. Peut-être cinq minutes plus tard, Guigui s'engageait dans une courbe particulièrement raide et perdit le contrôle. Le gravier, l'allure à laquelle nous roulions, ainsi que la pluie des derniers jours fûrent fatals et la voiture fit ce qu'on appelle en anglais du fishtailing avant de déraper sérieusement. Pour compenser le dérapage d'un côté, Guigui donna un coup de volant dans la direction opposée, ce qui fit tourner brusquement l'auto qui effectua deux tonneaux avant de s'écraser contre les arbres en bordure du chemin. Je me souviens encore de cet instant précis ou le premier impact avec le sol fit exploser ma vitre du côté passager dans mon visage. Je me rappelle du pare-brise et du toit au-dessus de moi, fendre dans un fracas lorsque nous étions à l'envers. J'avais de la vitre dans mes bottes de cowboy, et dans la bouche. Il n'y avait rien à faire pour arrêter ce qui se passait : Guigui et moi étions deux guenilles à la merci de l'accident. Je me souviens à quel point ma ceinture m'a retenue fermement lorsque nous effectuions les tonneaux et aussi que j'ai eu le réflexe de planter les bouts de mes bottes sous mon banc pour garder le contrôle de l'impact. Lorsque la voiture s'est arrêtée, nous étions revenus à l'endroit et la petite musique de Québec Redneck jouait encore son riguedon. Par contre, j'avais reçu une épaisse bûche de bois derrière la tête que nous avions rangée dans le coffre. J'étais sous le choc et semi-consciente. Je ne comprennais plus très bien ce qui se passait, et j'ai seulement pu voir que Guigui était paniqué, mais en un morceau. J'ai immédiatement tenté de sortir de la toiture, mais ma porte ne s'ouvrait plus. J'ai alors glissé hors de la fenêtre cassée du côté passager, ce qui eut pour résultat de me couper les paumes des mains sur la vitre qui y était incrustée en dents de scie. Je voyais tout noir, et j'étais très confuse. Je ne tenais plus sur mes pieds et je me suis effondrée entre les branches: j'étais sous le choc et j'avais mal au crâne. MEC s'était arrêté immédiatement et avait couru vers nous en paniquant. De sa voiture, il avait assisté à la scène avec horreur : il nous racontait plus tard qu'il était persuadé avoir perdu son meilleur ami et sa blonde ce soir-là vu la violence de l'accident.
J'étais dans un état lamentable et la voiture avec. Je me souviens que je pleurais, et que je passais par une gamme d'émotions : peur, douleur, choc, inquiétude, colère, déni. Je ne pouvais pas vivre ce qui m'arrivait, ce n'était pas possible ! Je marchais n'importe où sans regarder et je voulais simplement m'éloigner de cette scène d'horreur. MEC décida d'aller me porter à l'hôpital immédiatement et laissa Guigui en charge de déplacer la voiture plus loin si elle démarrait encore. Trente minutes plus tard, j'entrais à l'urgence et on m'examinait. J'avais de la chance : aucun point de suture nécessaire, et pas de commotion cérébrale. Je crachais de la vitre qui était restée coincée dans mes dents. Mon cou, mes muscles, le derrière de ma tête, mon sternum et aussi, mes nerfs, seraient ébranlés pour quelques jours. On me signa un arrêt de travail d'une journée pour que je puisse me reposer chez moi et me remettre de cette expérience traumatisante.
MEC nous suivait en arrière et nous roulions à bonne allure, comme on roulerait dans un rang désert, donc peut-être 70km/h. Guigui et moi écoutions un CD des Québec Redneck et nous conversions de tout et de rien. Je me souviens très bien avoir mentionné le fait que je portais toujours ma ceinture de sécurité et que je critiquais MEC très souvent de l'oublier. Peut-être cinq minutes plus tard, Guigui s'engageait dans une courbe particulièrement raide et perdit le contrôle. Le gravier, l'allure à laquelle nous roulions, ainsi que la pluie des derniers jours fûrent fatals et la voiture fit ce qu'on appelle en anglais du fishtailing avant de déraper sérieusement. Pour compenser le dérapage d'un côté, Guigui donna un coup de volant dans la direction opposée, ce qui fit tourner brusquement l'auto qui effectua deux tonneaux avant de s'écraser contre les arbres en bordure du chemin. Je me souviens encore de cet instant précis ou le premier impact avec le sol fit exploser ma vitre du côté passager dans mon visage. Je me rappelle du pare-brise et du toit au-dessus de moi, fendre dans un fracas lorsque nous étions à l'envers. J'avais de la vitre dans mes bottes de cowboy, et dans la bouche. Il n'y avait rien à faire pour arrêter ce qui se passait : Guigui et moi étions deux guenilles à la merci de l'accident. Je me souviens à quel point ma ceinture m'a retenue fermement lorsque nous effectuions les tonneaux et aussi que j'ai eu le réflexe de planter les bouts de mes bottes sous mon banc pour garder le contrôle de l'impact. Lorsque la voiture s'est arrêtée, nous étions revenus à l'endroit et la petite musique de Québec Redneck jouait encore son riguedon. Par contre, j'avais reçu une épaisse bûche de bois derrière la tête que nous avions rangée dans le coffre. J'étais sous le choc et semi-consciente. Je ne comprennais plus très bien ce qui se passait, et j'ai seulement pu voir que Guigui était paniqué, mais en un morceau. J'ai immédiatement tenté de sortir de la toiture, mais ma porte ne s'ouvrait plus. J'ai alors glissé hors de la fenêtre cassée du côté passager, ce qui eut pour résultat de me couper les paumes des mains sur la vitre qui y était incrustée en dents de scie. Je voyais tout noir, et j'étais très confuse. Je ne tenais plus sur mes pieds et je me suis effondrée entre les branches: j'étais sous le choc et j'avais mal au crâne. MEC s'était arrêté immédiatement et avait couru vers nous en paniquant. De sa voiture, il avait assisté à la scène avec horreur : il nous racontait plus tard qu'il était persuadé avoir perdu son meilleur ami et sa blonde ce soir-là vu la violence de l'accident.
J'étais dans un état lamentable et la voiture avec. Je me souviens que je pleurais, et que je passais par une gamme d'émotions : peur, douleur, choc, inquiétude, colère, déni. Je ne pouvais pas vivre ce qui m'arrivait, ce n'était pas possible ! Je marchais n'importe où sans regarder et je voulais simplement m'éloigner de cette scène d'horreur. MEC décida d'aller me porter à l'hôpital immédiatement et laissa Guigui en charge de déplacer la voiture plus loin si elle démarrait encore. Trente minutes plus tard, j'entrais à l'urgence et on m'examinait. J'avais de la chance : aucun point de suture nécessaire, et pas de commotion cérébrale. Je crachais de la vitre qui était restée coincée dans mes dents. Mon cou, mes muscles, le derrière de ma tête, mon sternum et aussi, mes nerfs, seraient ébranlés pour quelques jours. On me signa un arrêt de travail d'une journée pour que je puisse me reposer chez moi et me remettre de cette expérience traumatisante.
Guigui s'en voulait énormément et craignait la colère de MEC à son retour de l'hôpital. Quand j'y repense, ma colère a duré un quart de seconde : c'était un accident et c'était imprévisible. MEC non plus n'était pas fâché. Je ne pouvais pas lui en vouloir, ce n'était la faute de personne, seulement celle des circonstances. Néanmoins, il m'acheta une nouvelle voiture par principe et écourta son séjour au Yukon pour cette raison. Je trouve dommage que les choses se soient terminées de la sorte pour le meilleur ami de MEC, qui était devenu un des miens maintenant, inévitablement. On ne peut tout simplement pas vivre une chose pareille et ne pas partager quelque chose d'unique. Cet accident nous a marqué tous les deux et MEC aussi, qui porte davantage sa ceinture aujourd'hui. J'ai appris à reprendre la route, à être prudente, et à me remettre du choc psychologique de cet épisode où j'aurais vraiment pu y laisser ma vie.
Étant donné que mes blessures étaient mineures et que j'avais véritablement eu plus de peur que de mal, je gardai cet événement secret et je n'en parlai à personne au Québec. Inquiéter mes parents et mes proches n'aurait fait que semer le doute et des émotions négatives qui n'étaient pas nécessaires pour eux, impuissants à 6000 km de chez moi. Mes parents et mes proches l'ignorent encore à ce jour, sauf s'il leur arrivait de lire cet article. Si tel est le cas, je veux simplement leur dire que je n'avais aucune blessure grave suite à l'accident, et que je souhaitais gérer cet incident avec les personnes concernées qui étaient présentes. Cet accident était certes violent et je sais que si j'en avais parlé ouvertement au moment où c'est arrivé, j'aurais immiscé des images intenses dans leur esprit qui n'auraient pas correspondu avec la réalité du résultat final, qui s'est avéré moindre. Si j'avais été blessée, j'aurais bien sûr contacté mes proches immédiatement. J'aime bien me dire que certaines choses se passent au Yukon et restent au Yukon. J'ai appris à gérer toutes les crises de ma vie toute seule jusqu'à présent depuis mon arrivée en avril et cet accident fut l'une d'entre elles.
Je me suis beaucoup remise en question après l'accident. J'ai réfléchi à la valeur de la vie, à sa fragilité, à sa grandeur. J'ai été véritablement confrontée à la réalité de ma mortalité et j'ai connecté avec elle. Mon sternum douloureux durant plus d'un mois me le rappelait chaque matin lorsque j'enfilais ma brassière, certes, mais c'est surtout la douleur psychologique et la fatalité des faits qui était plus difficile à guérir. Je me suis rappelée que mes jours sont comptés, que les tattoos que je porte sur moi sont les miroirs de ma mort imminente et que je dois profiter au maximum de chaque instant avec la force positive la plus intense. Memento Mori.
C'est dans les mésaventures que j'apprend le plus et pas nécessairement dans les aventures. Mon accident de voiture m'a connectée à la vie et à l'importance de la chérir.
Étant donné que mes blessures étaient mineures et que j'avais véritablement eu plus de peur que de mal, je gardai cet événement secret et je n'en parlai à personne au Québec. Inquiéter mes parents et mes proches n'aurait fait que semer le doute et des émotions négatives qui n'étaient pas nécessaires pour eux, impuissants à 6000 km de chez moi. Mes parents et mes proches l'ignorent encore à ce jour, sauf s'il leur arrivait de lire cet article. Si tel est le cas, je veux simplement leur dire que je n'avais aucune blessure grave suite à l'accident, et que je souhaitais gérer cet incident avec les personnes concernées qui étaient présentes. Cet accident était certes violent et je sais que si j'en avais parlé ouvertement au moment où c'est arrivé, j'aurais immiscé des images intenses dans leur esprit qui n'auraient pas correspondu avec la réalité du résultat final, qui s'est avéré moindre. Si j'avais été blessée, j'aurais bien sûr contacté mes proches immédiatement. J'aime bien me dire que certaines choses se passent au Yukon et restent au Yukon. J'ai appris à gérer toutes les crises de ma vie toute seule jusqu'à présent depuis mon arrivée en avril et cet accident fut l'une d'entre elles.
Je me suis beaucoup remise en question après l'accident. J'ai réfléchi à la valeur de la vie, à sa fragilité, à sa grandeur. J'ai été véritablement confrontée à la réalité de ma mortalité et j'ai connecté avec elle. Mon sternum douloureux durant plus d'un mois me le rappelait chaque matin lorsque j'enfilais ma brassière, certes, mais c'est surtout la douleur psychologique et la fatalité des faits qui était plus difficile à guérir. Je me suis rappelée que mes jours sont comptés, que les tattoos que je porte sur moi sont les miroirs de ma mort imminente et que je dois profiter au maximum de chaque instant avec la force positive la plus intense. Memento Mori.
C'est dans les mésaventures que j'apprend le plus et pas nécessairement dans les aventures. Mon accident de voiture m'a connectée à la vie et à l'importance de la chérir.